13 janvier 2025

Polarisation sur le lieu de travail dans le secteur à profit social à Bruxelles

Polarisation

 

Pourquoi la diversité à elle seule n’empêche pas nécessairement la polarisation ? 

Au cœur de l'Europe, Bruxelles foisonne de diversité dans toutes ses dimensions. C’est un véritable carrefour de 184 nationalités, où plus de 100 langues sont parlées. Parallèlement à cette singularité démographique, un Bruxellois sur trois vit sous le seuil de pauvreté et fait face à d’importantes inégalités sociales, notamment en matière de santé1. C'est dans ce contexte que de nombreuses organisations du secteur à profit social s'engagent chaque jour pour créer une ville plus inclusive, par exemple en aménageant des espaces de rencontre LGBTQIA+ ou en améliorant l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap. 

Des recherches montrent que l’hyperdiversité ne se traduit pas nécessairement par un mélange harmonieux des groupes sociaux à Bruxelles. Au contraire, les écarts se creusent entre les catégories sociales : les plus riches et les plus pauvres, les personnes peu ou très qualifiées, celles qui parlent différentes langues, etc. Cette tendance est susceptible d’entraîner de l'isolement, de la méfiance et... de la polarisation.  Celle-ci se développe en fonction du niveau de cohésion sociale (plus ou moins élevé ou faible) entre des groupes aux origines diverses. Dans ce contexte, nous définissons la cohésion sociale comme le soutien social, la réciprocité, le respect mutuel et les liens au sein des groupes et entre eux, ainsi que la confiance envers les institutions telles que la police, la presse, le système judiciaire, etc. 

Mais comment la polarisation se manifeste-t-elle concrètement ? Existe-t-elle aussi sur le lieu de travail dans le secteur non marchand, qui est par définition perçu comme un espace-refuge pour les valeurs d’égalité et d’inclusion ? 

La polarisation, l’histoire du “nous” versus “eux”

La polarisation se produit lorsque des visions opposées s’affrontent de manière tellement intense qu’elles conduisent à la formation de "camps" de plus en plus fermés. Elle est renforcée par des constructions mentales de type "nous" contre "eux"". Parfois, cette tendance va jusqu’à nier l’identité de "l'Autre", sa légitimité, voire son droit à l’existence. De telles visions ne reposent pas toujours sur des faits, mais également sur des émotions et des intuitions. Examinons, par exemple, la polarisation sur le thème du changement climatique. Le phénomène implique souvent aujourd’hui des sentiments aigus de culpabilité et d’aversion. La polarisation se déploie autour de la question des régimes alimentaires ou des modes de transport, et les accusations mutuelles fusent : certain·es se voient reprocher d’aggraver la situation en raison de leurs émissions de carbone, d’autres de susciter la division en pointant des individus et des groupes particuliers sans toujours proposer de solution alternative adaptée. Les éléments factuels sur l’empreinte écologique et les actions à mener deviennent secondaires, et le sujet principal, le changement climatique, est mis de côté. Les groupes en présence se caricaturent en autant de “Boomers” et de “Bobos”, par exemple.  

La polarisation est-elle négative ? 

La polarisation n’est pas toujours problématique. Parfois, elle peut mettre en lumière des intérêts opposés au sein de la société ou d’un lieu de travail. Ainsi, la polarisation a joué un rôle dans la conquête des droits des femmes en Belgique. Après les mouvements de la première vague féministe, les femmes belges ont obtenu le droit de vote en 1948. De même dans des espaces de concertation sociale, comme chez BRUPARTNERS, il est crucial d’exposer les intérêts divergents afin de les intégrer dans le cadre réglementaire. 

Cependant, la polarisation devient problématique ou toxique lorsque les groupes se détournent du sujet de leur divergence et commencent à se focaliser sur le rejet de l’interlocuteur dans son identité même. Cette évolution naît d’un sentiment de menace personnelle qu’elle contribue à renforcer, et la dynamique qui en résulte fragilise la cohésion sociale. La polarisation est donc indésirable lorsqu’elle conduit à des conflits qui favorisent la ségrégation. Elle devient toxique lorsqu'elle empêche l’expression d’opinions nuancées. Dans un contexte professionnel, la collaboration et la recherche de compromis deviennent de plus en plus difficiles lorsque les groupes polarisés se perçoivent mutuellement comme une menace ou un ennemi. Les relations sont alors empreintes de préjugés, de stéréotypes et d’émotions négatives, telles que la colère, la méfiance et le dégoût. Dans les cas extrêmes, la polarisation peut même mener à la violence, à la radicalisation et au terrorisme. 

Comment la polarisation se manifeste-t-elle sur le lieu de travail ? 

Randstad a mené des recherches sur les éléments qui peuvent contribuer à la polarisation sur le lieu de travail. La recherche montre que les différences générationnelles, les convictions politiques et les normes et valeurs divergentes, entre autres choses, peuvent attiser les émotions. Avez-vous déjà pensé, par exemple, que certains points de vue (sur le climat ou les droits des personnes LGBTQIA+, entre autres) sont typiques de certaines générations ? Et lorsque, par exemple, vous réfléchissez à un stéréotype lié à l'âge, n'y a-t-il pas également plusieurs éléments qui le contredisent ? L'idée que tous les jeunes sont des militants pour le climat qui votent principalement pour des partis de gauche est contredite par une recherche de la KU Leuven, qui affirme qu'en 2019, les jeunes ont voté plus à droite que le reste de la population.2 Cependant, ce sont principalement les jeunes hommes qui votent davantage à droite et les jeunes femmes votent davantage à gauche.3 Cette perception tributaire de biais cognitifs peut entraîner une perte de confiance entre les collègues et un risque accru de conflit. Cela peut à son tour affecter l’esprit d’équipe et la productivité. 

Comment un employeur/une employeuse peut-il gérer la polarisation au sein de son équipe ? 

Dans des situations de polarisation, les employeuses et les employeurs jouent un rôle clé de "bâtisseur de ponts". Pour connecter des employés aux opinions opposées, il est essentiel de cultiver un environnement de travail inclusif, où la communication ouverte, la transparence et des valeurs communes sont valorisées. Cela demande souvent une transformation profonde de la culture organisationnelle, ce qui nécessite patience et persévérance. Néanmoins, c’est un processus bénéfique : une étude menée par IDEWE en collaboration avec la KU Leuven montre qu'il existe au moins six avantages à promouvoir l’inclusion au sein des organisations. Les employés :

  • se sentent moins stressés ;
  • adoptent un comportement plus innovant ;  
  • sont plus motivés ;
  • obtiennent de meilleurs résultats ;
  • recommandent leur employeur et  
  • sont plus susceptibles de rester.

Quelles sont les clés pour une culture organisationnelle inclusive ?

Pour renforcer l’inclusion, il est crucial de se concentrer sur cinq aspects qui soutiennent le sentiment d’appartenance, comme le révèle l’étude d’IDEWE (voir illustration). Pour mieux comprendre ce qu'implique chacun de ces aspects culturels d'entreprise, vous pouvez consulter le site IDEWE.  

Selon l’étude, les groupes ressentent un plus haut degré d’inclusion lorsque, au sein de l’organisation :

  • les conflits sont rares (ainsi, lorsque les conflits sont rares, 61 % des membres ressentent un haut degré d’inclusion) ;
  • il existe une grande participation (84 % des membres ressentent une forte inclusion) ;
  • la communication interne est solide (81 % des membres ressentent une forte inclusion) ;
  • l’équité procédurale est en place (81 % des membres ressentent une forte inclusion) ;
  • les compétences en leadership sont fortes dans les domaines suivants :
    • le soutien social (84 % des membres ressentent une forte inclusion) ;
    • la diversité (81 % des membres ressentent une forte inclusion) ;
    • l’implication (73 % des membres ressentent une forte inclusion).

 

 

Pour stimuler ces cinq aspects culturels organisationnels, des méthodes telles que la Deep Democracy peuvent être utilisées, qui se concentre sur l'examen respectueux des opinions divergentes, en mettant l’accent sur le dialogue et la discussion. Cette approche favorise l'inclusion en intégrant différents points de vue dans le processus décisionnel. En abordant les conflits de manière constructive, la stagnation est évitée et la collaboration renforcée.

Un rôle clé pour le secteur à profit social

Les organisations du non-marchand, telles que les ASBL et les ONG sont au plus près de la population locale. Étant donné que les relations sociales sont essentielles pour contrer la polarisation, elles jouent un rôle crucial dans la construction et le maintien de ponts sociaux. Une étude réalisée par Socaba ASBL, commandée par Bruxelles Prévention et Sécurité, révèle que ce n’est pas la quantité, mais la qualité des relations avec des personnes de divers horizons qui détermine la réduction de la polarisation. Si nous voulons renforcer la cohésion sociale, nous ne pouvons pas simplement nous concentrer sur le “mélange social” (la diversité). Il est indispensable de mettre l’accent sur la qualité des relations sociales. Le rôle du secteur non-marchand est donc crucial, car il regroupe divers « opérateurs/promoteurs » locaux de cohésion sociale.

Les autorités bruxelloises reconnaissent aussi l’importance du rôle clé du secteur à profit social. C’est pourquoi la Commission communautaire flamande (VGC) a lancé un appel à projets « Verbinding » ou « Connexion » pour renforcer la cohésion sociale à Bruxelles. Elle investit un quart de million d’euros pour financer des projets d’entreprises à profit social visant à encourager les liens sociaux et à lutter contre la polarisation toxique.

Quelles actions pouvez-vous entreprendre en tant qu'employeuse/employeur pour favoriser la cohésion sur le lieu de travail ?

Êtes-vous convaincu de la pertinence d’un lieu de travail inclusif, où les collègues peuvent interagir sereinement et où la polarisation ne trouve pas d’espace pour se développer ? Au sein du service Diversité & Inclusion de BRUXEO dénommé « So-Divercity », nous croyons que la vigilance en matière de polarisation est essentielle pour la construction et le maintien d’une organisation saine et inclusive. C’est pourquoi, le 14 novembre 2024, nous avons organisé un séminaire thématique sur la polarisation au sein des équipes, animé par l’expert Chris Wyns de l’Institut Hannah Arendt.

Lors de ce séminaire, nous avons abordé des questions concrètes telles que : qu’est-ce que la polarisation, comment se manifeste-t-elle et comment la gérer efficacement au sein de mon ASBL ? De plus, des méthodes comme la « Deep Democracy » ont été présentées pour prévenir d’éventuelles escalades liées à la polarisation. Les retours enthousiastes des participants montrent que la polarisation est un thème pertinent pour les organisations du secteur non-marchand qui cherchent à renforcer les liens entre leurs collaborateurs.

Afin de promouvoir plus largement la diversité et l’inclusion au sein des organisations, notre service « So-Divercity » propose également des formations destinées aux employeuses/employeurs et aux responsables RH. Enfin, nous accompagnons individuellement les organisations du secteur non-marchand en leur fournissant des conseils personnalisés sur des questions de diversité et d’inclusion.

Pour plus d’informations sur le service Diversité & Inclusion de BRUXEO, rendez-vous sur sodivercity.bruxeo.be.

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1. Chiffres : https://kenniscentrumwwz.be/brussel-enkele-cijfers

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